L’éco-responsabilité est devenue une problématique cruciale pour les marques de vêtement. La population se sensibilise de plus en plus aux questions écologiques, climatiques (voir la Marche du Climat en Septembre dernier) mais aussi éthiques (voir le cas Nike). Mais tout s’est accéléré avec l’arrivée de l’épidémie du COVID-19 mettant à l’arrêt de l’industrie du textile. Fortement impactés économiquement, les acteurs de ce marché, jeunes créateurs indépendants comme grandes enseignes, se doivent de changer leur processus de fonctionnement, notamment pour survivre, mais aussi pour pouvoir faire face à ces nouvelles revendications éco-responsables.
Mais qu’adviendra du comportement client après la tornade COVID-19 ? Va-t-il être plus exigeant sur la question sur l’éthique de fabrication de vêtement ? Comment va-t-il le définir ? Beaucoup de questions sans réponse, mais l’éco-responsabilité aura un rôle-clé à jouer.
Comment créer une marque éco-responsable ? Est-ce vraiment possible ? Quelles sont les solutions existantes ?
Dans cet article, nous décrypterons en profondeur la question de la mode éco-responsable et nous parlerons des différentes pratiques que vous pourrez mettre en place pour votre marque de vêtement.
1) Qu’est-ce que l’éco-responsabilité ?
Tout d’abord, « éco-responsabilité » se découpe en 2 mots :
- Economie : selon le Larousse, l’économie est « la régulation, organisation visant à une diminution des dépenses, à une adaptation parfaite au but visé ;
- Responsabilité : selon le Larousse, il s’agit de « l’obligation ou nécessité morale de répondre, de se porter garant de ses actions ou de celles des autres.
L’éco-responsabilité est donc la volonté morale de limiter son impact négatif sur l’extérieur. Elle engage la responsabilité économique, sociale et environnementale de l’individu. Quand on parle d’éco-responsabilité, on retient principalement l’impact social et environnemental dans sa définition, la liant ainsi au développement durable.
Le développement durable est la conception de la croissance économique tout en prenant en compte les aspects environnementaux et sociaux. Le monde du textile est d’autant plus concerné par ces enjeux car elles font parties intégrantes de sa chaîne de valeur.
2) Le textile, une industrie éthique ?
Selon les différents médias, l’industrie du textile serait la 2nde industrie la plus polluante du monde (par ailleurs, ceci est faux, bien que cette industrie reste polluante). Avec 80 milliards de vêtements produits dans le monde, 1,7 milliard de tonnes de CO2 par an serait rejeté dans l’atmosphère, soit 10% des émissions mondiales de carbone et plus que l’industrie du transport maritime et aérien cumulés. Par ailleurs, un t-shirt parcourrait en moyenne 40 000 km avec un rejet de 10 kg de CO2. Ces émissions en carbone ont un impact négatif sur l’effet de serre.
L’effet de serre est un phénomène qui permet à la Terre de retenir la chaleur dans l’atmosphère afin de maintenir notre planète à une température viable. Les émissions en CO2 participent à la conservation de la chaleur dans l’atmosphère. Cependant, l’activité humaine émet tellement de CO2 que sa concentration dans l’atmosphère devient plus importante, augmentant les températures globales, qui elles-mêmes entraînent la hausse de la sécheresse, la fonte de la glace et la montée des eaux.
De plus, l’industrie du textile utiliserait plus de 4% des ressources mondiales en eau potable. Selon Water Footprint Network, la fabrication d’un t-shirt en coton de 300 g nécessiterait jusqu’à 3 000 L d’eau, soit l’équivalent de 120 douches.
L’impact environnemental d’un vêtement se retrouve à chaque étape de son cycle de vie. Prenons l’exemple du cycle de vie d’un t-shirt :
- La production de la matière première, comme le coton pour le t-shirt, demande l’utilisation de beaucoup d’eau, de pesticides, de machines industrielles polluantes pour être finalement transporté ;
- La transformation de la matière première, comme la transformation du coton en tissu puis en t-shirt, qui demande toujours plus d’eau, la coloration ou le blanchiment de la matière première, etc. ;
- Le transport des produits finis vers les entreprises. L’utilisation de transports maritimes ou aériens ont un impact environnemental important ;
- La distribution au client final avec notamment des emballages en plastique, matière très polluante, ou en carton qui, bien que recyclable, doivent être recyclé par des déchetteries en excédent ;
- L’usage des produits, comme le lavage du t-shirt à l’eau qui est ensuite rejeté dans l’océan ;
- Après son utilisation, que faire du t-shirt ? 87% des vêtements sont jetés puis brûlés, contre 13% des textiles recyclés.
Mais n’oublions pas que notre consommation en vêtement est aussi responsable de cette pollution. Entre 2000 et 2014, c’est 5kg de vêtements par personne par an qui sont achetés dans le monde, avec 16kg de vêtements achetés en Europe et aux États-Unis. De plus, on ne porterait que 50% de nos habits dans nos armoires. Le gaspillage est alors conséquent.
Malgré tous ces chiffres alarmants, les grandes industries ne semblent pas ou peu réagir face à cette situation selon WWF : seule la moitié des entreprises étudiées ont pris des mesures significatives face aux changements climatiques. Mais à cause du (ou grâce au) COVID-19, ces enseignes vont devoir revoir leur processus de production pour sauver leur peau.
Dans le fond, le véritable moyen de lutter contre cet impact environnement mental est d’arrêter la surconsommation des vêtements. Mais comment faire quand les vêtements sont tels comme une seconde peau telle le reflet de notre personnalité, qui évolue au fil des années ?
De plus, on parle tellement de l’aspect écologique de la mode éco-responsable que l’on oublie les impacts négatifs de cette industrie sur les travailleurs. En effet, les conditions de travail de certains employés (et bien évidemment pas tous) dans les pays producteurs en Asie peuvent être déplorables : usines insalubres, horaires de travail insoutenables, salaires misérables. Ces conditions de travail touchent surtout la Fast Fashion, secteur qui produit en grande quantité avec des coûts toujours plus bas. La Chine avait longtemps été critiquée pour cela, mais aujourd’hui les conditions se sont grandement améliorées et le salaire moyen a bien augmenté. Du fait de l’augmentation des coûts, ces grandes enseignes de la mode se sont délocalisées dans d’autres pays comme le Bangladesh et récemment l’Ethiopie. Le Bandaglesh est particulièrement touché par les conditions de travail difficiles : on retrouve des témoignages de femmes travaillant jusqu’à 14h par jour en produisant 120 à 150 pièces à l’heure, sans interruption ni congé. Le salaire minimum de ces employés du textile est de 66 dollars pendant que le revenu vital au Bangladesh est évalué à 367 dollars selon Asia Floor Wage Alliance.
Attention à ne pas tomber dans la diabolisation de l’Asie : il existe de très bons fabricants de vêtement, avec une bonne qualité de travail et d’éthique. Cependant, méfiez-vous aussi des usines européennes : certaines n’hésitent pas à sous-traiter la fabrication des vêtements dans ces pays car ils ne veulent pas refuser la proposition de leur client, quitte à oublier la qualité et l’éthique. C’est pourquoi il est important de poser les bonnes questions à son fabricant pour éviter ce type de situation.
3) Peut-on faire une marque 100% éco-responsable ?
Oui, mais pas pour tous les produit, ni pour pour tout le monde. La question de l’éco-responsabilité est bien plus difficile que pensent le consommateur et les créateurs de mode. Comme nous l’avons vu dans sa définition, l’éco-responsabilité est un terme subjectif. Tout dépend alors où le consommateur place son curseur. Qu’est-ce qui est 100% éco-responsable ? Tout ce qui est fabriqué en France ? Ou fabriqué partout dans le monde et en payant les salariés équitablement tout en réduisant ses émissions en CO2 ? De combien ? Bref, un tas de critères à remplir et qui diffère d’un consommateur à un autre, ce qui rend le développement la marque à l’échelle difficile.
Croyez-moi, si c’était actuellement possible de la faire à grande échelle, toutes les grandes marques de luxe seraient déjà 100% éco-responsables. Cela ne doit pas vous en empêcher de vous en approcher à un maximum !
4) Made In France : éco-responsable ou pas ?
Vous retrouvez cette appellation sur les étiquettes de nombreuses marques de vêtement, souvent associée à l’éco-responsabilité. Mais qu’est-ce ça vaut ?
En réalité, pas grand-chose. D’après le gouvernement français, pour avoir le label « Made In France », il suffit que la dernière étape de fabrication soit faite en France. Par conséquent, il n’est pas obligatoire que les étapes de fabrication (peu importe le nombre) qui précèdent ne soient pas faite en France pour avoir ce label. Cela signifie que votre t-shirt « Made in France » peut très bien être fabriqué à partir d’un coton cultivé en Chine dans des conditions dramatiques ou être tissé en Inde par des jeunes filles esclaves qui travaillent 10h par jour, avant d’atterrir sur votre corps. Certes, c’est une vision dramatique du « Made in France », mais qui est légalement possible.
Mais alors, pourquoi les marques veulent tant mettre en avant la fabrication française, même quand ce n’est pas vrai ?
C’est pour vous, les clients. Auparavant, le fait de fabriquer des vêtements en Asie était mal vu car cela reflétait une qualité de fabrication moyenne voir mauvaise auprès du consommateur. Plusieurs marques de vêtement premium « cachaient » la provenance asiatique de leur vêtement en finissant leur production dans un pays européen après avoir sous-traité en Asie.
De plus, la majorité des consommateurs de vêtement associe le « Made In France » à un gage de qualité, notamment par l’influence de cette appellation dans l’alimentaire. Mais, contrairement au monde du textile, l’industrie alimentaire fait appel à des règles plus strictes pour pouvoir utiliser ce terme. Par analogie, bien que la réglementation soit différente, le consommateur applique cette réflexion sur le textile. Les marques répondent simplement à votre demande perçue de qualité en mettant ce fameux label « Made In France ».
Pour qu’un changement s’effectue, il faudrait alors que le consommateur se base sur d’autres éléments tangibles pour mesurer la qualité d’un vêtement.
Ces éléments, les marques peuvent l’apporter en mettant en avant les bienfaits que peuvent avoir l’éco-responsabilité dans leur quotidien, que ce soit par la durabilité des produits ou les conditions saines dans lesquelles le produit a été fabriqué.
5) 4 solutions éco-responsables pour votre marque de vêtement
Aujourd’hui, on distingue 4 solutions innovantes éco-responsables chez les marques de vêtement :
- Le sourcing éco-responsable ;
- La transparence ;
- L’économie circulaire ;
- La précommande.
a) Le sourcing éco-responsable
Le sourcing éco-responsable est l’identification de fournisseurs et de matières premières en prenant en considération l’impact environnemental et humain du processus de fabrication.
Le Slip Français est un bon exemple. Fondé par Guillaume Gibault, cette marque de vêtement française est née par une histoire de vente de slips fabriqués en Dordogne. En plus du côté décalé de la marque, le fait que le slip soit fabriqué en France pour relancer l’économie locale a eu un succès fou et les premières ventes en ligne ont explosées. Aujourd’hui, Le Slip Français est passé du sous-vêtement à une véritable marque de vêtement, le tout en « Made In France ».
En effet, Le Slip Français fait tricoter et fabriquer les vêtements en France tout en ayant un impact positif sur l’économie française. Cependant, l’entreprise se fournit tout de même en fil de coton issu Inde, en Egypte et aux Etats-Unis. Malheureusement, le climat en France ne permet la culture du coton dans de bonnes conditions. Malgré ce chaînon manquant, cela n’empêche pas le Slip Français de faire un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2018.
b) La transparence
Se dire éco-responsable est une chose, le prouver en est une autre. Comme dit précédemment, votre t-shirt « Made in France » peut très bien être fabriqué à partir d’un coton cultivé en Asie dans des conditions dramatiques, avant d’atterrir sur votre corps. Mais maintenant, le client est bien plus éduqué sur les questions d’éthique et de production de vêtement : il veut savoir réellement comment, par qui et avec quoi le vêtement a été fabriqué.
Everlane l’a bien très compris. Cette marque de prêt-à-porter anglaise créée en 2010, vendant principalement en ligne, joue sur la transparence radicale des usines de fabrication de leur vêtement. Everlane donne les noms de ces usines, pourquoi ils les ont contactés, le nombre d’employés de ces usines, avec des photos authentiques de fabrication de leur vêtement au sein même des usines. Everlane ne s’arrête pas là. Elle propose une transparence totale sur le prix de fabrication de leur vêtement : coût du tissu, de la manufacture, du transport, avec le coût réel de fabrication du vêtement et leur marge. La transparence fait peur aux marques de vêtement pour des raisons d’image mais aussi pour des enjeux concurrentiels. Les créateurs ont tendance à penser que montrer comment on fonctionne permettra à la concurrence de recopier ce qui fonctionne bien. Ceci est vrai, mais tout dépend de son exécution, encore plus dans la mode où chaque histoire a de la valeur. Everlane a fait de cette transparence une force qui est devenue un pari gagnant : 30 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2017.
c) L’économie circulaire
L’économie circulaire est la nouvelle tendance du moment : selon une étude de BCG et Vestiaire Collective, le marché de la seconde main devrait progresser en moyenne de 12% par an pour un marché de 31 milliards de dollars en 2021. Dans la mode, l’économie circulaire est la mise en place d’échanges ou de la réutilisation de vêtements, de tissus usagés ou invendus. Il s’agit une solution éco-responsable qui permet de créer avec l’existant.
La marque de vêtement responsable, les Récupérables, a fait de l’économie circulaire son faire-valoir. Anaïs Dautais, fondatrice des Récupérables en 2016, travaillait auparavant dans une ressourcerie de textile. Face à cette surproduction de linge de maison, de chutes de tissus et de fins de rouleau, Anaïs décide de les réutiliser pour en faire des vêtements et de leur donner une seconde vie. Elle commença avec des rideaux vintages qu’elle acheta au Relais Val-De-Seine dans les Yvelines. Aujourd’hui, elle récupère aussi les vêtements de marque de prêt-à-porter comme Caroll ou des rouleaux de textile destinés aux marques de luxe, plus responsable et moins cher. Les Récupérables ont ouvert leurs premières boutiques en Octobre 2019 dans le 18eme arrondissement de Paris, se vendent en ligne et dans les Galeries Lafayette.
L’économie circulaire apparaît même dans les produits premium voir haut-de-gamme, pourtant fermé à la réutilisation des vêtements. La marque de vêtement féminine de luxe Ba&sh, fondée par Barbara Boccara et Sharon Krief, a lancé le modèle de location de vêtement dans leur nouvelle boutique à New York. Leurs clients peuvent emprunter un vêtement chaque Vendredi le temps d’un week-end. Le modèle de location semble vertueux car il veille à optimiser l’utilisation d’un vêtement qui resterait dans un placard s’il était acheté.
d) La précommande
La précommande est une méthode qui consiste à vendre avant de produire. Mais comment la précommande peut avoir un lien avec la mode éco-responsable ? La précommande permet de produire la quantité dont les clients ont besoin, donc pas de gaspillage, donc moins de pollution. C’est la solution que l’on propose à tous les créatifs qui lancent leur marque de vêtement sur LAETUS. On la retrouve aussi chez Asphalte, une marque de vêtement qui fonctionne avec le système de précommande (5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018.)
6) Pourquoi ne pas faire de l’éco-responsabilité votre valeur ajoutée
Beaucoup de jeunes créateurs parle de l’éco-responsabilité de leur vêtement comme si c’était une innovation. L’éco-responsabilité devrait être un acte normal et non le justificatif d’un prix. Nous pensons que les consommateurs, plus que le sujet durable, cherche de l’honnêteté de la part du créateur. Cette honnêteté permet de créer une connexion avec le consommateur et de l’amener dans votre aventure, votre histoire. C’est cette histoire qui créera une marque tendance et c’est ce que l’on défend chez LAETUS. Notre propre expérience de la création d’une marque de vêtement parle pour nous. Si ces questions sur l’éco-responsabilité vous touchent réellement et s’inscrit dans l’ADN de votre marque, allez-y ! Si ce n’est qu’un élément qui n’a que pour objectif d’attirer une cible intéressée par ce sujet, je vous déconseille de le mettre en avant.
En résumé, pour faire une marque éco-responsable, il faut :
- Bien comprendre ce qu’est l’éco-responsabilité ;
- Le faire uniquement si cela vous tient réellement à coeur ;
- Comprendre que faire une marque 100% éco-responsable est difficile (à l’échelle) ;
- comprendre que l’éco-responsabilité ne veut pas toujours dire « Made In France » ;
- Choisir le modèle éco-responsable qui vous correspond le mieux (sourcing, transparence, économie circulaire ou précommande) ;
- Sortir de la théorie et se lancer.